"Partout où elle est aux commandes, l’extrême droite nous persécute": une Pink Parade festive et engagée dans les rues de Nice, ce samedi

Avoir peur d’aimer ne devrait pas exister. "Et pourtant des gens veulent qu’on vive cachés et souhaitent revenir sur nos acquis sociaux. À la haine, on répond en dansant, en chantant… Bref, en revendiquant notre droit à la vie, heureuse et amoureuse", rugit Eva, 28 ans, entre deux refrains – chantés à tue-tête – de Poker Face de Lady Gaga.
Au départ de la Pink Parade, sur le port de Nice, samedi 12 juillet 2025 à 16 heures, la joyeuse rage de la jeune femme donne le ton de cette vingt-et-unième marche des libertés, aussi festive que politique. "Faire la fête pour faire la fête, c’est très cool… Mais n’oublions pas qu’il y a un an, aux législatives, l’extrême droite était aux portes du pouvoir. Dans quelque mois, ce sont les élections municipales dans un département très à droite. Et partout, des élus et des médias ultra-conservateurs propagent dans toute la société une vague réactionnaire. C’est une idéologie homophobe, transphobe", rappelle Morgane. À 40 ans, elle a fait "toutes les prides de Nice" et ouvre naturellement un cortège qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes.
"Partout où elle est aux commandes, l’extrême droite nous persécute""J’aurais espéré encore plus de monde, mais c’est déjà bien", relativise Nino, la vingtaine, réprimant sous un large sourire de profondes inquiétudes: "La société ne doit pas être dupe. Partout où elle est aux commandes, l’extrême droite nous persécute, s’oppose aux droits des minorités sexuelles. Il n’y a qu’à regarder chez nos voisins italiens. Giorgia Meloni demande aux maires de supprimer du certificat de naissance le nom de la mère n’ayant pas porté l’enfant dans les couples lesbiens. Aux États-Unis, Donald Trump prend des décrets pour empêcher les personnes trans d’accéder à la transition de genre hormonale. En Hongrie, la pride a même été interdite."
"Oui, mais 180.000 personnes venues de toute l’Europe ont quand même défilé. C’est une défaite pour [le président Viktor] Orban", réplique sa copine, Laureen. "Ça a encore plus excité les fachos", grimace Nino, avant de s’interroger: "En France, on subit les mêmes discours. Est-ce qu’on pourra encore défiler sereinement?"
Mais quel autre choix que de battre le pavé? "Si on ne se mobilise pas maintenant, les haineux nous invisibiliseront demain", tranche Ash, 19 ans. "Si on commence à faire profil bas, à faire un pas en arrière, on a perdu d’avance", abonde Erwann Le Hô, coordinateur du centre LGBTQIA+ Côte d’Azur (2).
"Nous devons donc continuer l’offensive et affirmer nos valeurs, même si nous sommes menacés et attaqués par des campagnes de diffamation", poursuit-il. "Il est hors de question de se replier sur nous-même. Restons visibles, restons ouverts à toutes et tous, incarnons l’exemple du vivre-ensemble, faisons la promotion d’une société tolérante, laïque, respectueuse des droits des minorités. Pour ça, la Pink est un très bel outil, c’est un événement rassembleur et positif."
"Sur le chemin, je me suis fait insulter. Mais ça ne me découragera jamais"
En témoigne la myriade de sourires fleurissant dans une foule bariolée par les looks flashy, résillés, délurés, magnifiques de liberté. Une "safe zone" (zone sûre) où fusent les compliments et les regards bienveillants. "Ça fait du bien de se sentir acceptée", confie Irma Phrodite, drag-queen de 19 ans pour qui c’est la "première pride". "Je suis venue à pied avec ma tenue et, sur le chemin, je me suis fait insulter. Et je sais qu’après la marche, de retour dans les autres rues, il faudra être prudente. Mais ça ne me découragera jamais."
Son amie, Akela, 20 ans, la soutient: "Si on a parfois peur des autres, on est surtout fiers de nous." Comme pour souligner le propos, la manif s’élance, direction la Prom’, ralliant Rauba-Capeù au Negresco, avant de revenir au théâtre de Verdure où s’est dressé le village associatif. Un lieu d’échanges et de sensibilisation où la fête se prolonge jusqu’à 23 heures au rythme de la techno. "Ça tape minimum à 120 BPM (battements par minute)", glisse Lio, 17 ans. "C’est le rythme auquel bat le cœur des amoureux."
1. Pride veut dire fierté en anglais et fait ici référence à la marche des fiertés ou marche des visibilités.
2. Centre LGBTQIA + Côte d’Azur, rue Cathy-Richeux à Nice. 04.83.32.81.84. Lundi et mercredi de 10h à 12h30 et de 13 à 20h. Mardi, jeudi et vendredi de 10h à 12h30 et de 13h à 17h30. Samedi de 16 à 20h.
Nice Matin